lundi 30 juin 2014

Quelques poèmes du Congo et d'Haïti.

Les signes du silence (VII)
 
Ouvrons cette page
forçons les rivets des bouches
Voici juillet déjà
juillet emplit le ciel
de sa jungle de solitude
de ses lianes d'indifférence
des ses jours en veilleuse
ses larmes sans promesses
ses ah ah ah rires gris
les saisons et les bouches
comme des domestiques
plantent le nez au sol
l'équateur resserre sa ceinture
le ciel myope s'en
retourne chez l'opticien
les lorgnons de ses yeux
réfléchissent la lumière
le tunnel du nombril d'un bébé
est plus éclairé que tout le pays
le fleuve recroquevillé
croise ses lèvres
les arbres tremblent de froid
portent leur feuilles en croix
sur les seins les épaules
les cigales dans les gosiers des oiseaux
défont un ruban de sparadrap
Hier février encore
pavoisait ses couleurs
le soleil faisait le paon
sur un versant de mon visage
les oiseaux et les rires
les vents et les rêves
les maisons et les crânes
le petit dimanche de la nuit
l'arc-en-ciel arrondissait le dos
interdisait l'accès
aux hiboux de ténèbres
à tord ou raison
l'espoir assiégeait les âmes
les criquets de juillet
broutent les herbes de la lumière
les bouches léprosées de silence
saisons avec culottes courtes
avec des corps phosphorescents
la poussière aveugle la lumière
le chronomètre du sexe
grippé à six heures
et les chiens de mes orteils
qui chassent à la flairée
dans les sentiers solitaires.
Un pied terrible
feuillette la foule des sentiers
ce pieds qui s'en va
de long en large
qui s'en va
interroge les empreintes des pas
Tout le monde est
comme tout le monde
moi pareil à vous
et vous comme moi
La vie bonne à danser
les crânes légers évidés
bêlent comme des bambous ivres
mais les corbeaux des pieds
déploient les ailes des songes
les ailes des sons de je
Cet homme qui s'en va
de long en large
et qui revient sur ses pas
qui s'en va
les fleurs de la nuque
aseptisant le dos du futur
est-ce bien moi ou un autre
à découvrir les sons de je
de mon je ou du sien.


Maxime N'Debeka


La Révolution et ses fétiches

Il y a ceux qui crient sur tous les toits :
« Vive la Révolution »
Et sont les premiers dans leur cœur
A vouloir que la révolution
Se cassa une jambe ou un bras
Ou qu'une soif terrible soudain
Lui saute à la gorge,
Ou bien qu'elle fasse couler
Le sang innocent,
Ou encore qu'elle enferme
Dans la même prison : les poètes,
Les samedis soirs, les minijupes,
Les arbres trop souverains,
Les coïts qui durent plus d'une heure
Et l'arc-en-ciel souvent visible
Au ciel du mot révolution

René Depestre


Sur le pouvoir

Tant qu'il y a un Pouvoir
(État, Police, Corps de Sécurité, Armée, Église, Parti, Tigres, etc.)
Il y a toujours quelque part
Un homme très triste
Un peu fou
Et terriblement seul
Avec la peur bleue qu'il a
De la liberté
Des autres hommes.

René Depestre

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